A travers l’histoire (vraie) d’un trappeur laissé pour mort qui s’en va braver les éléments pour assouvir sa vengeance, le film d’Alejandro González Iñárritu se pose comme réflexion sur la naissance d’une nation, méditation métaphysique et démonstration de force technique repoussant encore les limites atteintes avec le précédent film (Birdman).
Le réalisateur perfectionne son usage du plan-séquence impossible et donne à voir des scènes d’action parmi les plus spectaculaires et longues jamais produites. Celle de combat avec l'ours, une grande course poursuite à cheval... luttent ostensiblement contre le Final cut des studios. La musique, très belle, de R Sakamoto (Furyo, Le Dernier empereur...) vient avantageusement combler la rareté des dialogues. La photographie - les vues de paysages, le sens de la lumière dans une très belle scène de duel dans une clairière enneigée -- est de loin le point le plus remarquable de ce film. L'usage du grand angle est vraiment poussif et se révèle loin de la maîtrise de Tarkovski (modèle revendiqué). Le film présente de nombreuses longueurs et un scénario pas toujours abouti que ne saurait faire oublier la performance (physique) de Di Caprio. Lui a su ne pas en faire trop.
Le vrai sujet du film semble être le fondement de la Nation ? Sur quoi repose-t-elle ?
Si Tarantino dans les Huit salopards répond : sur une justice de parade (civilisée), qui au final ne se différencie pas de celle du Far West, Iñárritu lui répond sur la justice de Dieu. La réponse à cette question apparaît sur un écriteau accroché au cou d’un pauvre Indien pendu : "Nous sommes tous des sauvages", résumant un message qui parcourt tout le long du film. Même si c'est sur l'impossibilité à représenter la sauvagerie, la vraie, que le film, en dernier lieu, se perd. Ainsi donc, pour le réalisateur, nous serions tous des sauvages, colons, colonisés et animaux, tous emportés dans un même élan tragique, tous guidés par une même furie incontrôlable. Viennent s'ajouter à cela, l'incompréhension, la perversion de l'argent, les préjugés... A qui la faute ? Dieu, c'est lui qui nous a créés ainsi et c'est à lui seul qu'il est permis de juger... C'est là la fatalité de l'homme, son destin. Voici au final la morale du film, caricaturale et la réponse à la fameuse question : C'est sur la religion ( sous le regard de Dieu) que la Nation américaine est construite, c'est elle qui la guide. Message ressassé et assez dérangeant.